jeudi 10 octobre 2013

Action ! Coupez !




Dans la vie, il y a toujours des étapes à franchir : le premier sous-tif, le premier appart, le premier avis d’imposition où t’es imposable, le nouveau taff, les 80 ans de mamie, le changement d’une roue de bagnole et globalement tu t’en sors plutôt bien. En revanche, une étape compliquée pour toi c’est de poser tes fesses sur le siège moelleux d’une meuf à ciseaux qui s’inquiète de ton cuir chevelu. 

Le coiffeur ! Généralement, tu y vas dans deux situations. Soit à la suite d’une déception sentimentale : étrangement t’as envie de changer de tête, là-tout-de-suite-maintenant parce que tu comprends « j’ai besoin d’un renouveau dans ma vie ! ». Souvent, tu en sors dépitée, hurlant à la mort que la coiffeuse a trop coupé, que tu ressembles à un homme et que de toute façon tu seras moche jusqu’à la fin de tes jours. Ou alors (quand sentimentalement tout va bien), tu t’aperçois que bientôt tu vas passer dans le Guinness book pour le record battu du cheveu le plus long. Ni une ni deux, tu fonces chez la coiffeuse la plus près de chez toi, parce que tu comprends « y a urgence » !

INTERIEUR JOUR-SALON DE COIFFURE 

-          « Oui ? c’est pour quoi » ? qu’elle te demande la meuf à ciseaux quand tu entres dans son salon.
Tu es tentée par : « C’est pour une vidange » ! mais tu réponds plus sobrement : « C’est pour une coupe ». Là, elle t’analyse, scrute ta chevelure, grimace.

-           « Ils ont été lavés quand la dernière fois » ?  

Tu bafouilles, t’as peur de dire une connerie, tu te justifies même histoire de ne pas passer pour une cradingue.

-          « hier ! Enfin… hier soir. Ça ne fait pas longtemps, donc je suis propre madame». 

Elle te fait signe d’aller t’installer sur un fauteuil, tu n’en sauras pas davantage sur cette question laissée en suspens. Tient-elle un journal secret répertoriant toutes ses clientes qui ont le cuir chevelu douteux ? S’en servira-t-elle un jour pour te faire du chantage ? 

-          « Alors, on fait quoi » ? 

-          « Bah je suis venue pour une coupe, alors on coupe » !

Là, tu sens poindre en elle une petite lueur d’excitation. Armée de ses lames et ciseaux elle est prête à  tout donner. 

- « Enfin juste un peu les pointes, parce que je veux garder ma longueur quand même ».

D’un seul coup : la déception ! Tu vois sa mine réjouie s’assombrir aussi vite qu’un oiseau fonçant dans une baie vitrée. Mais que se passe-t-il avec les coiffeuses ? C’est comme si elles avaient un besoin constant et insatiable de challenge. Elles ont envie de mécher bleu, orange ou rose, de dégrader à qui mieux-mieux, de boucler, de raser… pourvu que ce soit original, créatif, artistique ! Alors quand toi tu débarques avec tes choquottes et tes envies classiques, la pauvre est dépitée. Aujourd’hui, ce n’est pas toi qui va lui apporter son lot de rêves et de créativité. 

Elle lance vexée, un brin provocant :

-          « Oui enfin… faut que ca se voit quand même » !

Tu fais mine de n’avoir rien entendu. Elle te tend une blouse (tu ne sais jamais si tu dois l’enfiler devant ou derrière) et tu la suis timidement pour le shampoing. 

C’est toujours inconfortable ces bacs de lavage. T’es jamais bien installée. T’as le cou scié et l’eau est souvent trop chaude ou trop froide, mais lorsqu’elle te demande « si la température, ça va », tu acquiesces toujours d’un « hum, hum » de peur de te faire engueuler.  

Retour au fauteuil de la torture. La femme aux ciseaux joue sa dernière carte.

-          Ils sont abimés vous savez…

Elle ne continue pas sa phrase, mais te présente une de tes mèches calée entre ses doigts qui veut tout dire. Plutôt crever que de couper ta tignasse de fée ! S’ensuit rapidement un combat serré de négociation.

-          « On retire bien 10 cm » ? 

-          « Jamais de la vie ! Je ne sais pas moi, coupez 3 cm ».

-          « 8 » ?

-          « 4 » ?

-          « 5 » ?

-          « vendu » !

Moralité, le coiffeur, c’est comme le boucher ou le fromager. T’en demande toujours moins, il t’en met toujours plus. 

Quand elle a bien coupé aux ciseaux, elle choppe toujours une espèce de rasoir sorti de derrière les fagots, et vas-y que je retaille. T’as abandonné l’idée d'observer tes cheveux de soie mourir sur le carrelage du salon.  

Ensuite, généralement elle te brushe les cheveux façon actrice-feux-de-l’amour, beaucoup trop gonflés, beaucoup trop laqués, beaucoup trop feux-de-l’amour. 

INTERIEUR NUIT-DANS TA SALLE DE BAIN 

La tête sous l’eau après avoir quitté l’antre de la terreur, tu croises les doigts très fort pour que la coupe rende mieux avec TON brushing à toi. 

Face au miroir tu scrutes le résultat. Tu es dubitative. Tu tripotes. Tu recules. Tu pinces ta bouche avec une moue mi mannequin-blasé mi duck-face (on ne sait jamais ça apportera peut-être du caractère à ta coupe). Tu re-scrutes. Tu re-tripotes.  

Finalement, tu t’y fais.

Toutefois, tu préfères tout de même aller voir le boucher ou même le fromager, c'est moins dangereux.

5 commentaires:

  1. Je te trouves un peu dégarni maintenant quand même !

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  2. Super ton blog au fait ! Bravo pour l'inspi et merci de faire rire à travers ce que tu racontes c'est tellement ça !

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  3. Merci Isabelle, j’espère pouvoir faire rire encore longtemps !

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  4. Les cheveux. Vaste sujet s'il en est, vu que l'on ne sait pas vraiment pourquoi une envie pressante se fait quand il s'agit de prendre cette folle décision : Bon, je vais chez le coiffeur.

    Les raisons sont à la fois multiples et obscures et Ludivine de le souligner; parfois tu as une peine de cœur, alors mieux vaut se changer les idées et puis la tête. Sait-on jamais ; l'atout chic&choc d'une métamorphose.

    Pourtant, il est évident que l'on regrette systématiquement ce geste terrible du coiffeur. Celui à qui l'on remet notre épaisse crinière, notre fierté. Alors pourquoi diable ! Ma tête je l'aime bien telle qu'elle est.

    N'étant pas jeune femme, vous comprendrez que je ne suis pas aussi coquet et me fiche éperdument que ma tignasse rebique ici et là, que cet épis caractéristique quand mes cheveux sont plus courts ( 36 ans de vie commune) apparaisse, et surtout - et j'insiste sur cet état de fait - jamais ne me coiffe.

    C'est ainsi; rebelle dans la tête, et sur celle-ci.

    Cependant, hélas, il faut parfois se soumettre aux affres du temps. Cette coiffure n'en est plus une, la discipline n'est plus suivie par mes mèches qui tombantes, me donne ce look grunge me rappelant mes jeunes années adolescentes. Et merde, voilà que je suis obligé d'user de ce sinistre objet "contondant " pour tenter vainement une approche stylisée. On l'appelle aussi peigne dans les milieux autorisés.

    Et aussi pénibles soient mes derniers jours à la chevelure révoltée - facétieuse insubordonnée qu'elle est - je vous prie de croire que la veille du rendez-vous, mon dernier regard jeté dans ma glace de salle de bain, me fait dire " ah mais merde, c'est pas si mal en fait ".

    Pourtant le rendez-vous est pris. Allez bonhomme, t'es pas une chochotte ! Assume !

    Et c'est ainsi que récemment, j'ai décidé de faire une infidélité à mon Jérôme de coiffeur ( Franck Provost, un peu de pub au passage ; pardon pour le placement produit), en choisissant l'extrême : Je décidai de me faire raser le crâne ...

    Aucune déception, sinon ne plus pouvoir faire les headbangers en herbe, alors que mon ampli fait tourner quelques disques métal bien sentis.

    Alors je me dis qu'ils repousseront, jamais trop courts, jamais trop longs, toujours foutraques et arty, et qu'ils reprendront ce trône que je leurs laisse. Après tout, c'est bien eux qui me couronnent...

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